Exposition à l’amiante : nouvelle illustration de condamnation pénale de l’employeur – mai 2017

Exposition à l’amiante : nouvelle illustration de condamnation pénale de l’employeur – mai 2017

Condamnation pénale pour mise en danger de la vie d’autrui dans une affaire d’exposition à l’amiante.

 

L’exposition d’autrui à un risque de mort, de mutilation ou d’infirmité permanente, caractérisée par un manquement aux dispositions du Code du travail relatif à la sécurité des salariés, constitue une violation à l’obligation générale de sécurité de résultat.

C’est une nouvelle décision qui confirme, comme dans les arrêts amiante de 2002[1], la présomption de faute de l’employeur pour avoir eu connaissance du danger auquel il exposait ses salariés.

 

En l’espèce, une société de construction avait entrepris la réalisation d’un chantier sur lequel a été constaté notamment par PV de l’inspectrice du travail un mesurage supérieur à la limite autorisée de fibres d’amiante par litre d’air.

La Société a fait l’objet de poursuites du chef de mise en danger d’autrui et a été relaxé devant le Tribunal correctionnel.

Les prévenus et le procureur de la république ont interjeté appel et le jugement a été infirmé. La           Cour d’appel de Bastia a condamné le délégataire de pouvoir et la Société de Terrassement à 5000€ et 50 000€ respectivement et a prononcé sur les intérêts civils.

 

La Cour de cassation a elle même confirmé sa position[2].

 

Voici selon nous l’extrait clé de cet arrêt :

« qu’il n’est pas contesté et il n’est pas contestable qu’en l’état des données de la science disponibles bien avant le temps de la prévention (cf notamment le rapport du 26 octobre 2005 de la mission d’information amiante créée par le Sénat qui fait état de 35 000 personnes mortes d’une maladie de l’amiante en France entre 1965 et 1995, et du probable décès d’ici 2015 de 50 000 à 100 000 autres personnes), le degré de probabilité de développer un cancer du poumon ou un cancer de la plèvre dans les 30 à 40 ans de l’inhalation de poussière d’amiantes est certain, sans qu’il n’y est ni effet de seuil, en deçà duquel il n’existerait aucun risque, ni traitement curatif efficace ; qu’en l’espèce, le chantier de terrassement litigieux présentait la particularité de porter des roches et des terres naturellement amiantifères, connues et identifiées avant l’acceptation du marché ; que le risque de mort ou de blessure graves lié à l’inhalation de fibres d’amiante est donc susceptible de constituer le délit de mise en danger d’autrui »

 

L’employeur est soumis à une obligation générale de sécurité de résultat[3] qu’il a violé en l’espèce par les manquements suivants :

  • Absence de protection aux abords immédiats du chantier ;
  • Installation de grillages permettant la dissémination des fibres ;
  • La présence de portillons importantes de terrains rocheux laissés à découvert ;
  • Le non-nettoyage des engins.

 

Le Pourvoi est donc rejeté et la Cour de cassation fixe à 2500€ la somme que les prévenus devront payer aux parties au titre de l’article 618-1 du Code de procédure pénale.

 

Mais la condamnation pénale de l’employeur qui peut s’avérer financièrement conséquente, n’est pas le seul impact sur l’économie de l’entreprise.

 

La reconnaissance d’une pathologie au titre de la législation professionnelle génère des coûts directs et indirects véritablement significatifs.

Si on évalue facilement le coût des mesures de prévention que l’on met en place pour réduire l’accidentologie, on méconnait en revanche les coûts engendrés si rien n’est fait.

 

Les coûts directs :

  • Le coût de remplacement
  • Les taux de cotisation AT/MP

 

Par ailleurs, la caisse régionale impose une majoration sur la cotisation « AT/MP » pour tenir compte des risques exceptionnels, révélés par une infraction au Code du travail ou l’absence des mesures de prévention.

 Elle représente 25% de la cotisation AT/MP initialement notifiée et 50% en cas de récidive dans un délai de 3 ans ou absence de réalisation des mesures dans un délai de 6 mois à compter de la première imposition, 200% après un nouveau délai de 6 mois.

 

Les coûts indirects :

  • Les coûts administratifs
  • Les pertes de production
  • Les coûts matériels

 

Pour conclure, rappelons enfin, au regard des coûts de la « non-santé au travail », on estime à 2,2 points le ratio coût/bénéfice en matière de rentabilité des investissements de maîtrise de risques.

 

Une étude menée par l’AISS[4] sur les bénéfices générés par la mise en place d’une politique active de prévention soulève les points suivants :

  • Plus grande motivation et satisfaction de l’employé (21%)
  • Amélioration de l’image de l’entreprise (21%)
  • Impacts positifs de la prévention des perturbations (19%)
  • Attention soutenue à la qualité, meilleure qualité des produits (15%)
  • Prévention de la perte du temps ou réduction du temps de compensation après les perturbations (14%)
  • Innovations dans les produits (9%)

 

La Santé au Travail est devenue un enjeu de 1er plan pour les entreprises, sur le plan pénal, social, économique, mais c’est aussi un levier majeur de  performance globale à ne pas négliger.

[1] Cass. Soc., 28 févr. 2002, n°99-18.389, 00-11.793, 99-18.390, 99-21.255, 00-11.794 et 99-18.391

[2] Cass. crim., 19 avr. 2017, n° 16-80.695, P+B

[3] En application des articles L. 4111-6, L. 4121-1 à L. 4121-5 du Code du travail ; rappel du décret 2006-761 du 30 juin 2006, de l’arrêté du 14 août 2012 et et du décret 2012-639 du 4 mai 2012.

[4] Agence Internationale de Santé et Sécurité



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